Chapelle

De Babel à la Pentecôte : la raison d’un projet

Une ville, dix-neuf communes. Deux langues officielles ; au moins vingt-trois autres ont parlé. Capitale d’un pays souvent défini comme fragmenté, Bruxelles est “parvenue” à devenir le centre d’une Europe diversement unie.

Si beaucoup viennent à Bruxelles pour travailler dans ce projet d’intégration européenne ; la vie locale offre un panorama difficile à déchiffrer entre langues et cultures, histoires et couleurs, religions et traditions. Dans cette Babel, l’œil attentif parvient à saisir les expressions d’une humanité qui, outre le travail qui les a souvent amenés ici, cherche un sens qui dépasse cette aliénation car, à Bruxelles, tout le monde est un peu étranger, même les locaux. Pourtant, dans tout cela, la religiosité résiste, quoique de manière de moins en moins centrale, tandis que les Églises, qu’on peut aussi appeler au pluriel, tentent d’annoncer l’Évangile en s’extirpant des différentes langues et langages. Dans ce contexte, nous trouvons les signes d’une Pentecôte, dans laquelle les hommes et les femmes de bonne volonté sont appelés à accueillir l’Évangile et à s’accueillir les uns les autres, à générer et à partager, à donner et à donner d’eux-mêmes.

C’est de là qu’est née l’idée de ce travail. Grâce au talent d’un théologien et au génie d’un artiste, l’idée est devenue une œuvre d’art que nous pouvons tous contempler dans le Foyer Catholique Européen rénové.

Lorsque nous avons décidé de rénover le Foyer et la Chapelle qui l’habite, j’ai immédiatement tourné ma pensée vers l’Esprit Saint et lui ai dédié l’œuvre qui caractérise ce lieu. Ce jour de Pentecôte, c’est grâce à l’Esprit Saint que les habitants et les pèlerins de Jérusalem ont entendu les Apôtres parler dans leurs langues ou, peut-être, parler la seule langue que tout le monde comprenait : la langue de l’Amour, la langue de l’Évangile.

Le contexte bruxellois présente de nombreuses similitudes avec la Jérusalem de l’époque : la religion chrétienne est minoritaire, le contexte social est très sécularisé, tandis que des personnes différentes se réunissent dans une même ville. La Bonne Nouvelle que nous annonce Jésus suscite peu d’attention, voire une véritable hostilité. Ici, dans le Bruxelles d’aujourd’hui, l’Église catholique coexiste avec l’Église orthodoxe et protestante, chacune annonçant l’Évangile selon différentes traditions nationales venues ici de très loin. Dans ce panorama multiconfessionnel et multilingue, les Églises sèment les graines de l’Évangile en annonçant la Parole, en rendant leur témoignage de Charité et en célébrant les fêtes.

Cette maison qui nous accueille aujourd’hui est en réalité le carrefour de nombreux chemins sur lesquels nous marchons et qui nous provoquent continuellement à la conversion : de Babel à la Pentecôte. Un chemin toujours ouvert et jamais achevé, mais qui a en son centre un auteur : le Saint-Esprit.

C’est dans cet humus que naît le Foyer : né dans les années 1960 de l’intuition d’un jésuite, le Père Luigi Parisi, l’idée était d’attirer l’attention sur la foi aux côtés des institutions européennes naissantes. Ce lieu devait pouvoir accueillir les différentes langues de la foi que l’on retrouve ici, avec la possibilité non seulement de se connaître et de s’accueillir, mais aussi de vivre ensemble des moments de foi à travers la langue commune qu’est le français. Depuis, beaucoup de choses ont changé, de l’élargissement de l’Union européenne à une laïcisation rapide de la société. Cependant, le Foyer demeure un phare pour les navigateurs de ces grandes transformations sociales.

Aujourd’hui, ce lieu parie encore sur l’avenir, sur la possibilité d’être une rencontre significative d’éducation à la foi, à proximité des grands édifices où se décide de plus en plus la vie des citoyens d’une Europe qui, malgré mille difficultés, est en train d’être généré.

Personne ne sait ce que l’avenir réserve à cette Europe ; le sens de l’œuvre nous invite à faire confiance à l’Esprit Saint, tout comme les Apôtres ont fait confiance en ce jour de Pentecôte. Alors qu’ils partent dans le monde pour annoncer l’Évangile, le Foyer espère accueillir ceux qui arrivent à ce carrefour du monde et les aider à chérir leur foi. L’histoire avance et Bruxelles et l’Europe auront certainement leur rôle. S’appuyer sur l’esprit pentecôtiste veut exprimer le désir de construire une maison commune qui soit « la nôtre ». Essayons, à partir de la seule mémoire nécessaire, l’histoire de Jésus, et avec l’aide de l’Esprit Saint, de chercher ensemble les moyens de régénérer les questions et de trouver des réponses à la recherche de sens de l’homme d’aujourd’hui, de plus en plus avancé dans la science mais aussi de plus en plus confus et seul au fond de sa conscience.

Claudio Visconti